Entretien avec Mounia Aram une professionnelle des films d’animation.
Qui est Mounia Aram ?
Mounia Aram est une spécialiste de l’animation avec près de 20 années d’expériences dans cette industrie. Après des études de langues orientales à l’INALCO - Paris, elle a eu l’opportunité de rejoindre ShoPro Entertainment, une société spécialisée dans l’animation japonaise basée à San Francisco. C’est ainsi qu’elle a démarré sa carrière dans l’industrie et ne l’a plus quitté.
Au cours de sa carrière elle a fait le constat suivant : si certaines cultures sont bien représentées à travers le monde - comme l’Animation japonaise - et que certains pays sont réputés pour la qualité de leur travail - comme la France, le Canada ou les États-Unis -, elle a remarqué que l’Afrique n’était pratiquement pas représentée. Elle a donc décidé de s’attaquer à ce problème en fondant en 2019 Mounia Aram Company, une société de distribution et production spécialisée dans l’animation africaine, la culture africaine, l’Afrique en général.
Elle conseille également les entreprises dans leur stratégie de distribution de contenus, leur développement sur le continent Africain, elle participe à des workshops pour développer la formation de jeunes talents en Afrique, etc…Enfin elle vient de remporter en Novembre 2021 le « Black in Animation » Award dans la catégorie Cultural Innovator.
Pourquoi avoir choisi l’animation comme terrain d’action pour votre projet ?
J’ai grandi en regardant énormément de dessins animés, principalement les Animes (dont je suis toujours fan). J’ai très vite découvert le pouvoir de l’animation sur les enfants et les plus grands. Nous pouvons faire passer énormément de message à travers l’animation et je veux utiliser ce moyen pour mes engagements.
Votre projet est celui de faire converger les cultures afin de représenter une “culture africaine” dans l’animation, vous sentez-vous responsable de cette démarche en raison de vos origines marocaines ?
J’ai toujours eu ce lien très fort avec l’Afrique dans sa globalité, je suis marocaine mais j’ai surtout grandi dans une cité (à Trappes) où beaucoup de cultures africaines étaient présentes. C’était autant de musique, d’épices et de couleurs que j’ai envie aujourd’hui de partager par ce vecteur qu’est l’animation. L’Afrique est un vaste continent multiculturel, avec plusieurs langues, plusieurs histoires à partager. C’est un véritable terrain de jeu.
"L’Afrique est un vaste continent multiculturel, avec plusieurs langues, plusieurs histoires à partager. C’est un véritable terrain de jeu."
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confortées en tant que cheffe d'entreprise et auxquelles vous ne vous attendiez pas ?
Ce qui a été le plus difficile c’est de ne pas avoir eu l’adhésion immédiate, certaines personnes ne me sentaient pas capable de diriger ma propre entreprise. Le plus dur est de toujours tout ramener à ma condition de femme et à ma vie personnelle. Car comme on le sait une entreprise demande un grand investissement personnel. C’est un projet de vie. Je l’avais mûrement réfléchi avant de me lancer je suis passionnée et ne compte pas mes heures, mais c’est souvent la perception des autres sur soi qui est surprenante voire parfois décevante.
Quels sont les 3 événements les plus marquants de votre parcours ?
La découverte de l’industrie de l’animation par un stage aux Etats-Unis à San Francisco en 2003, c’est là que j’ai démarré ma carrière.
L’échec de ma première entreprise en 2019 que j’ai créé avec 2 autres associés avec lesquels nous ne nous sommes pas entendus sur la vision et la stratégie africaine.
Mon premier trophée le « Black in Animation Award » dans la catégorie Innovation Culturelle en Novembre 2021.
"Il y a de plus en plus de femmes mais pas encore suffisament, on peut toujours faire mieux."
Le monde de l’animation est encore très masculin, que représente pour vous le fait d’être une femme africaine influente dans ce milieu ? Avez-vous rencontré des difficultés par rapport à ça ?
Il y a de plus en plus de femmes mais pas encore suffisamment, on peut toujours faire mieux.
J’ai connu certaines difficultés notamment quelques remarques sexistes, ou des comportements déplacés. Mais aujourd’hui j’ai transformé cela en atout, être une femme africaine spécialiste de l’animation devient très demandé et on me sollicite beaucoup pour des prises de paroles lors de tables rondes à travers le monde. Mon côté militant intrigue et interpelle aussi je pense.
Que représente votre prix de l'innovation culturel à titre personnel et sur le plan professionnel ?
C’est une reconnaissance surtout quand on connaît les membres du jury, cela valide ma stratégie et me prouve que je vais dans la bonne direction. Et comme je suis une autodidacte, je me dis que je n’ai pas le diplôme mais j’ai le trophée, plutôt pas mal !
Quel est aujourd’hui l’état de l’animation sur le continent africain ?
L’animation sur le continent est en phase de développement de beaux projets sont en train d’émerger notamment en Afrique du Sud, au Nigeria, des séries sont en production au Maroc également et un long-métrage algérien a été projeté lors du festival d’Annecy.
Nous ne sommes pas encore au niveau de l’industrie française mais nous avons de belles perspectives d’avenir avec beaucoup d’intérêt de diffuseurs étrangers et de producteurs étrangers avides de contenus nouveau et divers.
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