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Fabienne Vuanda : myAgro une alternative aux producteurs agricoles en Afrique

Dernière mise à jour : 18 avr. 2023

Entretien avec Fabienne Vuanda, Vice-Présidente en charge de la croissance pour myagro


Qui est Fabienne Vuanda ?

Fabienne Vuanda est Vice-Présidente en charge de la croissance pour myAgro dont l’ambition est de sortir 1 million de producteurs de la pauvreté, d’ici 2026. Elle a commencé sa carrière en Afrique en 2013, par à un VIE en République Démocratique du Congo, et depuis s'est engagée auprès d’entreprises à fort impact social sur le continent.




Comment décririez-vous myAgro à ceux qui ne connaissent pas encore cette entreprise sociale ?

L’Afrique compte près de 33M de petites exploitations agricoles et ces agriculteurs représentent la population la plus importante vivant en dessous du seuil de pauvreté de 2$ par jour. L’hypothèse la plus répandue est que les petits exploitants agricoles ne peuvent se développer qu’en bénéficiant de subventions ou en ayant recours à des crédits. Cependant, cette hypothèse est inexacte. En effet, le challenge des petits producteurs agricoles est qu’ils perçoivent l’essentiel de leur revenu au moment de la récolte et qu’ils s’obligent à épargner une partie de ces revenus pendant les 9 mois suivants afin de débuter une nouvelle campagne agricole. Mais, finalement, ils arrivent très difficilement à garder la somme épargnée, à domicile. C’est ainsi qu’en 2010, myAgro débute au Mali et va proposer une solution digitale d’épargne et de paiement dédiée à l’acquisition de paquets agricoles incluant des semences et des engrais de hautes qualités, une formation agricole et la livraison jusqu’au dernier kilomètre. Les producteurs paient ainsi leurs paquets en petits montants de leur choix, sur des durées allant de 3 à 9 mois, en utilisant soit des cartes de recharge prépayées soit le paiement mobile. De manière pratique, nous avons dupliqué le modèle de rechargement du crédit de communication pour l’appliquer à une épargne agricole. Pour les producteurs, c’est non seulement très simple à utiliser et parce qu’ils connaissent déjà cette technologie ils ont beaucoup plus confiance.


Maintenant, où ont-ils accès à ces cartes prépayées ?

Dans chaque village où nous travaillons, nous accompagnons des “Village Entrepreneurs” qui vivent dans le village, qui connaissent les producteurs et sont parfois des producteurs eux-mêmes. Nous les équipons d’un smartphone et de notre application afin qu’ils puissent quotidiennement enregistrer de nouveaux producteurs et gérer leur portefeuille de producteurs existants. En 2021, c’est près de 115 000 producteurs qui ont souscrit à nos paquets et qui ont multiplié leur rendement par 3. Ces producteurs sont fiers de voir qu’ils ont pu épargner et que cela leur permet à la fois de mieux se nourrir mais également de générer des revenus additionnels. Nous opérons aujourd’hui au Mali, au Sénégal et en Tanzanie et nous comptons près de 700 collaborateurs et 1500 Village Entrepreneurs.


Dans quelle mesure avez-vous pu constater l’impact du dérèglement climatique sur l’activité des agriculteurs ?

La Banque mondiale prévoit que les effets du changement climatique pourraient faire basculer 132 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d'ici à 2030, ce qui annulerait les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable.

La région sahélienne de l'Afrique, où travaille myAgro, a été identifiée par Intergouvernemental Panel on Climate Change (IPCC) comme un point chaud climatique ; les températures y augmentent une fois et demie plus vite que partout ailleurs dans le monde. Prenons l’exemple d’une de nos productrices, Aïda Ndiaye, qui vit et travaille au Sénégal, à Ngass Serere. Elle a rejoint myAgro il y a plus de 8 ans suite à une formation agricole et nous déclarait encore cette année : “ Pendant la saison des pluies, nous souffrons du manque de pluie et cela peut avoir un impact négatif sur les cultures.” Nous entendons exactement ce même commentaire au Mali ou en Côte d’Ivoire où les producteurs arrivent maintenant, difficilement, à situer le début de la saison agricole. Ces problèmes climatiques ont un impact considérable sur la production agricole et la sécurité alimentaire, en particulier dans les zones rurales où la plupart des gens dépendent des aliments cultivés par les petits exploitants. Les impacts climatiques sont amplifiés par les défis mondiaux, notamment la guerre en Ukraine, l'inflation et les effets persistants du COVID-19 sur les communautés. En réponse à cela, myAgro propose des semences climato-intelligentes, notamment une variété de sorgho qui adapte son cycle de croissance aux précipitations. Afin d’inciter nos agricultrices à découvrir cette semence, nous avons conduit de nombreuses études agricoles pour réussir à diminuer le coût du paquet et axé notre communication autour des apports nutritifs. Le sorgho est désormais la deuxième culture la plus populaire de myAgro après l’arachide.


Quel a été l’impact de myAgro sur les agriculteurs au Sénégal ? Les utilisateurs de myAgro voient leurs revenus augmenter, comment ce revenu supplémentaire est-il utilisé ?

En 2021, les agriculteurs myAgro au Sénégal ont produit 68 % de nourriture en plus et ont gagné 244 $ de revenu net supplémentaire par rapport aux agriculteurs témoins. Au Mali, les agriculteurs myAgro ont cultivé 88 % de nourriture en plus et ont gagné 130 $ de revenu net supplémentaire. MyAgro bénéficie également d'un taux élevé de rétention des agriculteurs de plus de 80 % - contre 50 % pour les institutions de microfinance - ce qui démontre que les agriculteurs voient la valeur de l'utilisation de ce modèle.

Cette augmentation significative des rendements et des revenus aident les agriculteurs à surmonter l'insécurité alimentaire et la pauvreté persistante. Indirectement, myAgro a contribué à améliorer les performances en matière de nutrition, de santé et d'éducation pour environ 500 000 membres de familles d'agriculteurs.

Cela s’illustre avec Khady Sow, qui est une agricultrice myAgro de Kolda, au Sénégal. Elle a rejoint myAgro il y a 3 ans, alors qu'elle cherchait un moyen de subvenir aux besoins de sa famille de 19 personnes. Avant de rejoindre myAgro, les flux financiers de Khady étaient irréguliers, ce qui rendait difficile pour elle d'investir et d'épargner pour l'avenir. Le modèle de myAgro lui a donné un moyen d'investir son propre argent petit à petit dans sa ferme afin de gagner un revenu régulier. Ainsi, elle est en mesure d'acheter les intrants de myAgro, notamment des semences résistantes au climat, des engrais et des formations agricoles. "Je ne reçois pas de salaire à la fin du mois, et personne dans la maison non plus, donc le système de paiement nous a vraiment aidés.” confie-t-elle. “Il nous a permis d'avoir accès à des intrants de qualité sans avoir besoin d'un prêt - c'est comme un compte d'épargne". Au cours de sa première année avec myAgro, Khady a récolté 600 kg de riz et la récolte de riz de chaque saison lui a permis de tenir presque toute l'année. Cependant, même avec la bonne récolte qu'elle a obtenue avec myAgro, les inondations massives que sa région a connues ont mis en danger la récolte de cette saison. Malgré ces inondations et les destructions, Khady est persuadée qu'elle pourra nourrir sa famille et continuer à épargner grâce à la variété d'autres légumes et cultures dans lesquels elle a pu investir.


Comment est-ce que myAgro contribue à développer l’inclusion financière des agricultrices ?

MyAgro conçoit spécifiquement ses programmes et ses paquets agricoles pour aider les femmes à accroître leurs revenus en augmentant la productivité agricole. Les femmes constituent l'épine dorsale de l'économie rurale, en particulier dans les pays en développement, mais elles ont moins accès aux ressources financières, aux terres, aux intrants améliorés et aux informations agricoles que les hommes. L'autonomisation des femmes, qui représentent 65 % de la main-d'œuvre agricole en Afrique subsaharienne, est essentielle pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale. Cependant, à l'heure actuelle, les agricultrices produisent des récoltes de 20 à 30 % inférieures à celles des hommes. Combler l'écart de rendement entre les sexes permettrait d'augmenter la production agricole des pays en développement de 2,5 à 4 %. Cette récolte supplémentaire pourrait réduire le nombre de personnes sous-alimentées de 100 à 150 millions, soit de 12 à 17 % (source : rapport de la FAO "La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2010-2011").

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