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Morgane Kablan : l'entrepreneuriat sociale une solution aux défis du continent africain

Dernière mise à jour : 20 avr. 2023

Entretien avec Morgane Kablan, co-fondatrice et COO d’Asilimia, une fintech franco-kenyane

Qui est Morgane Kablan ?

Je suis une des co-fondatrices et COO d’Asilimia, une fintech franco-kenyane ayant pour vocation de digitaliser l’activité des commerçants informels africains et de leur faciliter l’accès aux services financiers de base (prêts bancaires, assurances santé, etc).Diplômée de l’emlyon business school, je me suis intéressée à l’investissement à impact et à l’entrepreneuriat social dans l’objectif d’utiliser la finance comme levier de développement du continent africain. J’ai eu l’occasion de travailler dans une startup en Côte d’Ivoire puis dans une association au Niger avant de me former à la finance durable chez BNP Paribas Asset Management. Cela fait maintenant un an que j’ai rejoint Asilimia, une aventure passionnante qui va révolutionner l’économie africaine, une vraie afro-optimiste !

"L’entrepreneuriat social n’est pas une utopie : c’est une réalité !"


Morgane, certains pensent que l’Entrepreneuriat Social est une utopie, et vous ?

L’entrepreneuriat social n’est pas une utopie : c’est une réalité ! Depuis quelques années on a vu émerger de très belles histoires entrepreneuriales en France démontrant que « profit et impact » peuvent être tout à fait compatibles. Et cela se prouve aussi par l’intérêt de plus plus en croissant des investisseurs pour les projets qui ont une dimension sociale et environnementale dans leur business plan. En Afrique plus encore qu’en France, les enjeux sociaux sont considérables et le développement peu redistributeur du XXème a mis à l’écart une part importante de la population. Aujourd’hui, on voit émerger une jeune génération d’entrepreneurs engagés qui prônent un développement inclusif et durable. C’est donc loin d’être une utopie, ni ici ni là-bas, mais le chemin est encore long pour que l’entrepreneuriat social devienne une norme universelle.


Qu’est ce qui caractérise l’entrepreneuse sociale ?

Une entrepreneuse sociale, c’est avant tout l’ambition de vouloir bouger les lignes. Pendant trop longtemps, le monde de la solidarité et celui de la rentabilité se sont côtoyés, observés, parfois affrontés sans jamais parvenir à concevoir un langage commun. La problématique actuelle est que d’un côté les ONG et associations de solidarité sont limitées dans leurs capacités financières du fait de contraintes budgétaires publiques et de crise économique. D’un autre, les entreprises sont décriées, victime d’une défiance, suspectées d’optimiser leurs profits à tout prix, souvent au détriment de leur impact social et environnemental. Et au milieu, il y a les entreprises sociales où cohabitent la recherche d’un impact positif pour la société et son environnement, et la recherche d’une rentabilité économique garante de sa pérennité.


En 2018, avec Asilimia, vous faites partie du top 10 des meilleures startups qui répondent aux défis auxquels le continent africain est confronté. Quels sont-ils ?

Mes co-fondateurs Mark Ochieng et Tekwane Mwendwa et moi-même avons créé Asilimia afin de résoudre l’un des grands enjeux du continent africain qui est l’inclusion financière. Aujourd’hui, près de 80% de l’économie est informelle en Afrique. Cela représente près de 150 millions de MPMEs en Afrique Sub-Saharienne et près de 200 milliards de dollars de transactions non captées par le système financier formel. Pourtant, au cœur du tissu économique du continent africain, ces entrepreneurs informels restent exclus de la révolution numérique africaine et gèrent leur commerce manuellement, avec une simple feuille et un stylo. De ce fait, la traçabilité de leurs transactions est presque impossible. En plus de limiter leur productivité, ce manque de données consolidées les empêche d’accéder à des services financiers de base qui leur permettraient de faire croitre leur business et de supporter les aléas économiques. A travers Asilimia, nous permettons de digitaliser et de formaliser toutes les transactions commerciales des MPMEs informelles et permettons aux institutions financières d’accéder à des données fiables pour pouvoir évaluer leur solvabilité et leur donner accès à des solutions de financement adaptées. Notre ambition est ainsi de connecter l’économie informelle au système financier formel et contribuer ainsi à la formalisation de l’économie africaine.


Vous avez fait partie d’une table ronde sur le financement des PME en Afrique Francophone et le développement. Quels sont les messages clés que vous avez pu en tirer ? Est-ce la même réalité dans les pays anglophones, notamment au Kenya ?

L’un des grands enjeux qui a été soulevé lors de cette table ronde est que les banques ne jouent pas leur rôle du financement du secteur privé. Même si tout le monde est aligné pour dire que l’Afrique est une terre d’opportunités, les investissements peinent à couvrir les besoins de financements des PME et startups, principalement dû à une mauvaise perception du risque et au manque de données consolidées sur le secteur privé africain. Mais les choses évoluent, et peut être plus rapidement en Afrique anglophone où l’on voit émerger les premières licornes africaines telles que Paystack ou Flutterwave qui donnent une vraie impulsion de confiance dans l’écosystème entrepreneurial africain. De son côté, le Kenya a aussi été très proactif pour stimuler les investissements locaux et étrangers dans les startups. Il est devenu le hub de l’investissement à impact avec l’apparition d’antennes de fonds d’investissement internationaux sur son territoire.


En 2020, vous avez rencontré le Président Kenyan à la Station F, qu’est ce qui crée cette attractivité des techs au Kenya ?

Je vois 3 raisons pour lesquelles le Kenya est un pays attractif

1) Son contexte géopolitique stable depuis plus de 50 ans qui a permis d’instaurer un système éducatif de qualité et de créer un bassin de talents attractifs pour le monde entier. 2) La maturité de son marché avec des consommateurs éduqués et friands des évolutions numériques. Le Kenya est une des portes d’entrée privilégiées pour pénétrer le marché africain.

3) M-Pesa qui a révolutionné la manière d’échanger des biens et services à travers le paiement mobile et dont le succès fulgurant inspire et attire d’autres startups tech à s’implanter au Kenya.


LES RECOS DE MORGAN

Pouvez-vous nous citer deux recommandations de politiques publiques pour accompagner cette évolution numérique dans la finance, notamment pour une fintech comme Asilimia ?

Le numérique doit être placé au cœur des politiques publiques. M-Pesa est un grand exemple de comment le numérique peut contribuer au développement du continent africain. En développant le paiement mobile à travers le territoire, M-Pesa a été un vecteur de bancarisation puissant au Kenya. Alors que moins de 50% de la population a un compte bancaire, plus de 80% a un compte de paiement mobile.

Il est important de favoriser les partenariats publics/privées pour que ces innovations technologiques puissent accompagner le développement inclusif et répondre aux enjeux sociétaux de l’Afrique. Par exemple, en devenant l’infrastructure financière de l’économie informelle, Asilimia pourrait devenir un canal privilégié pour favoriser la couverture sociale ou de santé d’une partie de la population aujourd’hui exclus du système formel.

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